Entretien avec Annie et Bernard Reval,
auteurs de « Florent Pagny, libre et vivant »
publié chez Volum Editions
Interview réalisée par Cathy pour www.florentpagny.org
Question de Laurent : pourquoi avoir choisi cette photo sur la couverture qui ne met pas particulièrement en valeur Florent (on le voit grimaçant) ?
Bernard Reval : « Le choix de la couverture ne nous incombe pas, il appartient à notre éditeur. Il souhaitait une photo qui corresponde à l’image que donne Florent aujourd’hui. Dans le choix qu’il nous a proposé, il nous a semblé qu’elle était représentative. La couverture de son dernier album est d’ailleurs dans la même tonalité. »
Question de Laurent : pourquoi avoir choisi ce titre "Libre et vivant" ? C'est le mot “vivant” qui m'interpelle : même en ayant lu la dernière page du livre je ne vois le sens que vous voulez donner...
Annie Reval : « Le titre est venu naturellement. “Libre” est une évidence. Quand au mot “vivant” qui vous interpelle, il suffit de voir avec quel dynamisme Florent croque la vie (scène, télé, enregistrements, compositions, la Patagonie, les Etats-Unis et la France sans oublier sa famille qu’il privilégie le mieux possible). Nous aimons ces artistes par le désir de varier leurs passions. Avec Florent, nous avons trouvé un homme qui a su réaliser ses rêves de gamin en ne mettant jamais de côté l’essentiel, c'est-à-dire sa famille. Et puis pour tout vous dire, il y a quelques années, notre fils Laurent Reval avait composé une chanson pour Nanette Workman (Alive n kickin' around / en français Libre et vivant). Ce titre trottait dans la tête de Bernard pendant notre écriture. On aurait dit qu’il était à l’évidence destiné à Florent. Quand nous en avons parlé, nous avons su que ce serait celui-là. Quand on voit ce garçon avec son poncho face à ses montagnes et à ses lacs…, il respire ! C’est si rare dans le showbiz !»
Question de Cathy : après avoir rencontré un bon nombre de personnes ayant côtoyé Florent, comment le percevez vous ?
Annie Reval : « Un sacré bonhomme ! Artiste, ironique, sensible. Carmen Bouchet nous en a parlé avec tendresse, elle est à l’origine de tout avec Gérard Louvin. Elle a dévoilé le caractère du garçon déterminé à y arriver. Bruno Solo résume très bien l’image de l’homme tel qu’il est devenu : “Ce n’est pas un gars qui se prend la tête, en tout cas pas devant les gens. S’il est négatif, c’est vraiment pour de bonnes raisons, et dans son jardin secret. Aux autres, il offre toujours le meilleur. J’aime aussi son aptitude à se défendre et la manière dont il mené sa vie, la manière dont il a rebondi, cette capacité à accepter le destin…”. »
Question de Mylène : Florent a-t'il eu son mot à dire sur le contenu, la photo, le titre ?
Bernard Reval : « Nous travaillons toujours en liberté sur plusieurs sujets que nous choisissons. Il y a évidemment une “nécessité” sélective qui fait que nous ne pourrions pas écrire sur un “sujet” qui ne nous intéresserait pas au moins pour une petite raison (il nous est arrivé d’avoir des commandes à propos de personnalités trop linéaires… et nous avons refusé. N’insistez pas, nous ne vous dirons pas qui !). Tous nos livres (c’est le quinzième) réclament une entière liberté d’écriture. Ils sont écrits en cercles concentriques : nos témoins sont quelquefois très atypiques dans la vie de l’artiste. Au fil des jours, ils nous permettent de dessiner les contours, puis tout au long de notre travail qui dure longtemps, nous rentrons en profondeur dans l’étude de son caractère grâce à ses proches qui le définissent. Nous sommes en quelque sorte des “historiens” d’un contemporain. Par courtoisie, nous informons toujours nos sujets, mais nous souhaitons vraiment garder notre liberté. Au début, certains comme Bécaud et Nougaro nous ont aidés, mais c’est plutôt gênant : nous n’avons pas forcément la même liberté d’expression, bien qu’ils n’aient jamais changé un mot dans notre texte, pour nous c’était plus délicat. Là, en revanche, rien n’est retenu ou non dit “parce qu’il va le lire”, c’est notre méthode et elle nous convient bien.
Le seul qui ait lu le livre avant sa sortie en octobre, c’est Kad Merad. C’est un peu particulier, notre éditeur était dans sa bande de copains au lycée. Enfin, Kad a lu la maquette, mais c’est exceptionnel. Donc, pas d’ingérence de la part de Florent pour les photos ou pour le texte. »
Question de Mylène : Ce livre est-il une commande de Florent Pagny :
Annie Reval : « Je pense que nous avons déjà répondu à cette question. En fait, nous ne voulions pas faire un énième livre sur Florent Pagny, mais aller le plus loin possible et retrouver les camarades de l’enfance, de l’adolescence, les copains des premières années. Nous avons essayé de pousser au maximum certains témoignages, et ce que nous avons appris nous a ouvert des voies : au-delà de l’image de rebelle sympathique qui dit haut et fort ce qu’il pense, il existe un autre Florent, plus intime, moins caricatural. »
Avez-vous rencontré Florent avant ou pendant l'écriture ? Savez-vous s'il a jeté un oeil à votre livre ?
Bernard Reval : « Comme nous vous le disions précédemment, nous ne l’avons pas rencontré, mais il était régulièrement informé par les êtres en qui il a confiance. Gilles Merlé (son agent cinéma) et Carmen (qui nous servait d’ange gardien) ne nous auraient pas tant aidés s’ils ne nous avaient pas “sentis” sincères. Vous n’entrez pas comme ça dans les confidences d’un artiste sans avoir montré patte blanche ! »
On vous sent des fois, un peu critique sur le travail de Florent. Appréciez-vous, vous-mêmes, le chanteur ?
Annie Reval : « Normal, nous ne pouvons pas ne pas être sincères, il n’est pas question d’être les “hagiographes de stars” ! Nous avons, Dieu merci, un sens critique aigu, mais pour le contrebalancer un bel enthousiasme avec poils qui se hérissent très vite et larmes aux yeux, sinon à quoi bon partager tout ça ?
Ceci dit, comment ne pas apprécier le chanteur, cette voix, cette personnalité. Il est très agréable à “découvrir” en profondeur, jamais décevant, toujours dans la même ligne de conduite (et ce n’est pas toujours le cas !). Et plus on avance, plus on apprécie. Après, c’est vrai que pour Brel, par exemple, nous n’avons pas particulièrement vibré, mais nous étions avec Jacques en tournée quand nous étions jeunes, et c’est une image vivace, difficile d’oublier l’émotion qui se dégageait de ces instants. Ceci mis à part, Florent correspond à l’un des chanteurs actuels que l’on écoute avec le plus de plaisir, avec Serge Lama et Claude Nougaro (vous avez remarqué qu’ils ont tous les trois de superbes voix et un charisme démesuré ?).
Pourquoi ne pas avoir pris contact avec les fans pour avoir des anecdotes de
tournée ?
Annie Reval : « Nous avons fort à faire pour raconter aux fans ce que pensent les proches de l’artiste. C’est “l’autre côté du miroir” que nous leur décrivons… Bien sûr, ils pourraient participer, mais les musiciens, les techniciens fourmillent d’anecdotes de tournées, et nous sommes condamnés à ne pas dépasser trois cents pages pour des raisons d’édition. Toutefois, pourquoi ne pas envisager un second tome avec vous tous ? Chiche ! »
Question de Stéphane : finalement après avoir écrit ce livre, vous connaissez bien Florent. Le percevez vous comme un artiste ou plutôt comme un gars qui passait par hasard et a su surfer sur la vague ?
Annie Reval : « Il n’est pas là par hasard ! Ou alors le hasard s’est acharné ! Des années de galères à partir de quinze ans, la réussite, l’échec, la reconstruction, l’établissement, le départ en Patagonie… Florent a mis du cœur dans tout ce qu’il a décidé. Il l’a fait en homme libre et vivant (décidément, ce titre nous plaît !). »
Entretien réalisé par Cathy avec Annie et Bernard Reval, autour de la sortie du livre « Florent Pagny, libre et vivant » (Volum Editions).
Photos :
1 – Tournée Ailleurs Land (une partie de l’équipe, entre deux concerts). Ph. E. Potapenko
2 – Kamil Rustam et Florent. Col. K.Rustam
3 – Premier Zénith, janvier 1991. Col. C.B.